Badr El-Djamali arriva au Caire en 1074 avec ses troupes composées d’Arméniens et de Syriens. Cette année-là, tout allait mal dans la cité fatimide du Caire. Le calife El-Moustansir, en haillons, n’avait plus qu’une natte puante où s’asseoir dans un palais dénudé qui avait été complètement pillé et saccagé. C’est ce fameux palais qui avait été construit par le général Djauhar pour le premier calife fatimide Al-Moëz Lidine Illah.
L’armée du calife El-Moustansir s’était révoltée contre lui, ses esclaves l’avaient abandonné et ses femmes s’étaient enfuies. Réduit à cette situation extrême, le calife fit parvenir un message au gouverneur de la ville de Saint Jean d’Acre, Badr El-Djamali, le seul homme qui, à son avis, pouvait rétablir l’ordre en Egypte et au Caire.
D’origine arménienne, Badr El-Djamali faisait preuve d’une grande énergie et d’une excellente capacité à gouverner les affaires à Saint Jean d’Acre. Il reçut ainsi le message du calife El-Moustansir, mais comme il connaissait bien les soldats turcs et noirs du Caire, il posa une condition au calife, celle d’amener avec lui ses propres troupes. Cette condition fut acceptée par le calife.
Badr El-Djamali arriva donc au Caire et prit la situation en main sur les plans militaire, économique et social. Il remit tout en ordre, redonna son importance au calife, construisit de nouveaux remparts pour la cité, édifia de nombreux monuments, dont celui d’El-Gouyouchi sur la montagne de Mokattam.
Badr El-Djamali fut certainement un des personnages les plus célèbres de l’époque fatimide et son souvenir est toujours vivant.
Un minaret carré et trapu, qui se termine par une coupole reposant sur une base octogonale, domine la ville du Caire du haut de la montagne de Mokattam. Ce minaret est celui d’El-Gouyouchi, un monument construit en 1085 par Badr El-Djamali.
Ce monument de l’époque fatimide est un genre nouveau en Egypte. Il n’est ni un mausolée, ni une mosquée proprement dite. C’est un « mashhad », le plus ancien de ce genre au Caire, un monument commémoratif en souvenir des Alides, les descendants du quatrième calife Ali.
Ce mashhad, construit pour honorer les mânes des Alides, est hermétique. Il recouvre toute une symbolique mystique de liaison entre le ciel et la terre. Badr El-Djamali, en construisant ce monument, voulut qu’il soit un lieu de rencontre entre les espaces célestes et terrestres tout en étant une sorte de protection de la ville du Caire dont il venait de reconstruire les remparts.
Le minaret d’El-Gouyouchi, à trois étages, se compose d’une grosse tour carrée et massive qui supporte une construction octogonale percée de fenêtres ogivales sur chaque face. Le tout est surmonté d’une coupole arrondie et trapue qui symbolise le ciel.
Depuis l’an 1085, ce minaret domine la ville du Caire sans avoir subi aucun changement, immuable, il projette dans le ciel son message mystique.
Mais pourquoi ce nom d’El-Gouyouchi? C’est tout simplement parce que Badr El-Djamali était le chef des armées du calife fatimide.